Uvira, RDC – Le programme Agenda de la Transformation Agricole en RDC (ATA-RDC), une initiative présidentielle cruciale, continue de générer des résultats tangibles dans la plaine de la Ruzizi, au Sud-Kivu, et ce, malgré un contexte régional marqué par l’insécurité. Bénéficiant de l’appui technique de l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) et de l’Institut Africain de Leadership Agricole (AALI), ce programme vise à consolider la sécurité alimentaire, à dynamiser l’économie locale et à renforcer la résilience des communautés rurales face aux crises.
Visite Officielle et Adaptation Stratégique
Le jeudi 17 juillet, une délégation du gouvernement provincial a effectué une visite de terrain pour évaluer l’avancement des activités soutenues par l’IITA et l’AALI. L’objectif de cette inspection était de constater l’impact concret des travaux sur la vie des populations et d’orienter les futures actions vers une lutte plus efficace contre l’insécurité alimentaire, comme l’a souligné Innocent Cigoho, conseiller au ministère provincial de l’Agriculture, Pêche et Élevage.
Face à l’instabilité persistante au Sud-Kivu, le projet ATA-RDC a démontré une remarquable capacité d’adaptation. Pour renforcer la résilience agricole des familles dont l’accès aux champs est compromis, une stratégie de substitution des cultures a été mise en œuvre : le maïs, initialement prévu, a été remplacé par des cultures à cycle court telles que la patate douce et l’amarante, favorisant ainsi une production plus rapide et sécurisée dans les potagers.
Voix des Agriculteurs : Entre Reconnaissance et Défis
Les bénéficiaires du programme ont exprimé une profonde gratitude envers le gouvernement congolais pour son soutien, reconnaissant les bénéfices socio-économiques significatifs apportés par l’introduction de ces nouvelles cultures. Cependant, leur témoignage a également mis en lumière des défis majeurs. Des agriculteurs de Runingu ont ainsi déploré : « Nous rencontrons des difficultés considérables pour irriguer nos champs, et l’accès au marché pour écouler nos produits est inexistant depuis la coupure du tronçon Uvira-Bukavu. Un sac de patate douce, qui se vendait auparavant à 180 000 FC, ne vaut plus que 28 000 FC aujourd’hui. En outre, nous subissons des pertes importantes, nos productions pourrissant faute d’unités de transformation. »
Face à ces réalités, les agriculteurs lancent un appel pressant à l’État congolais pour un investissement accru dans le projet de transformation agricole. Ils sollicitent notamment l’ouverture de couloirs d’accès aux marchés, la mécanisation agricole et l’aménagement de systèmes d’irrigation adéquats. Selon eux, le potentiel de production locale est immense et peut s’étendre sur toute l’année, à condition de bénéficier d’un soutien étatique renforcé.


Bilan de la Phase II et Recommandations Stratégiques
L’atelier de restitution et de validation des résultats de la Phase II du programme ATA-RDC, tenu le vendredi 18 juillet à Uvira sous l’égide du gouvernement provincial, a réuni un large éventail d’acteurs, incluant la société civile, des membres du gouvernement, des élus provinciaux et les bénéficiaires. L’IITA et l’AALI y ont présenté leurs réalisations respectives, l’IITA axant sur le développement de nouvelles technologies et l’AALI sur leur dissémination.
Samy Bacigale, coordonnateur du programme ATA-RDC au Sud-Kivu et chef de bureau de l’IITA Uvira, a mis en avant des avancées significatives : « La mise en place de 7 nouveaux génotypes de maïs avec un rendement estimatif de 6 à 8,5 tonnes par hectare, et 4 génotypes de soja capables de s’adapter aux hautes et basses altitudes. » Pour la période 2023-2024, « le maïs amélioré était installé sur 585ha et a produit au total 2660 tonnes, soit environ 1 million de dollars, avec un impact positif sur l’augmentation des revenus agricoles des petits producteurs ». Mr Bacigale a également rappelé l’adoption de la patate douce et de l’amarante en remplacement du maïs suite à l’insécurité, précisant que « 320 ménages ont adopté la production de patate douce et 1200 ménages se sont investis dans la production d’amarante dans le territoire d’Uvira en saison B. » Il a formulé des recommandations clés à l’État congolais, insistant sur la nécessité de « faciliter l’homologation de ces nouvelles variétés développées » et de « s’investir dans la sensibilisation sur l’agriculture en bloc et la vente groupée », afin de permettre même aux paysans sans terre de pratiquer l’agriculture, ce qui pourrait réduire les importations de maïs de 72% d’ici 5 ans dans la province.
Eustache Ntaboba, membre de la Brigade agricole des jeunes de l’AALI, a complété ce bilan en présentant d’autres résultats majeurs : « 2708 producteurs ont été formés, et plusieurs jeunes ont été accompagnés dans la création d’entreprises ainsi que dans l’élaboration de plans d’affaires. » Il a également mentionné que l’Agriparc de Nyangezi a produit « 51,8 tonnes d’aliments en 2024 contre 32 tonnes en 2023 », et que des infrastructures piscicoles ont été aménagées, incluant une écloserie capable de produire « environ un million d’alevins ». De plus, « 145 personnes ont été formées aux techniques post-récolte et à la valorisation de la production ».

Résultats Clés de la Phase II (Saisons culturales A et B 2024/2025)
Depuis le lancement du projet, l’AALI a structuré une brigade agricole de jeunes, comptant actuellement 59 brigadiers actifs. Parmi eux, 8 brigadiers principaux forment les agri-entrepreneurs et les formateurs de terrain, tandis que 49 agents/Brigadiers au niveau de la communauté assurent un accompagnement de proximité en production et post-récolte.
Le modèle d’agriculture en bloc a permis à 1374 paysans sans terre de cultiver, produire et accéder au marché, améliorant ainsi leurs revenus. En collaboration avec l’Inspection Provinciale d’Agriculture et Sécurité Alimentaire, le programme a soutenu 4967 ménages par la distribution de semences, de fertilisants, de petite mécanisation et de bonnes pratiques agricoles pour le maïs (2340 ménages), le haricot (1172 ménages), les patates douces (320 ménages) et l’amarante (1200 ménages).
Ces efforts ont abouti à des récoltes substantielles : 2660 tonnes de maïs, 608,3 tonnes de haricot, et 1280 tonnes d’amarante fraîche, marquant une amélioration de la production locale de 111%. Des simulations prospectives indiquent que la province du Sud-Kivu pourrait réduire de 72% ses importations de maïs, haricot, patate douce et légumes frais sur les cinq prochaines années.
Les chercheurs de l’IITA et de l’INERA ont sélectionné 5 nouveaux génotypes de maïs hybride (avec des rendements de 6 à 8,5 t/ha) et 5 nouveaux génotypes de soja (rendement jusqu’à 2,9 t/ha).
Dans le domaine de la production animale, une écloserie capable de produire 1 million d’alevins par an a été installée. 131 pisciculteurs ont été formés, 126 étangs et 10 cages flottantes aménagés, aboutissant à une première production de 6 tonnes de poissons et une augmentation de 60% des revenus des pisciculteurs.
Par ailleurs, 8 centres de petite mécanisation ont été créés et équipés, allégeant la pénibilité du travail agricole pour plus de 300 petits producteurs. Le programme a également formé 787 élèves à l’agribusiness et a soutenu la création de 5 entreprises dirigées par des jeunes, générant 62 emplois. Enfin, 145 jeunes et femmes ont été formés à la pâtisserie et à la transformation du soja.

Appel à la Mise à l’Échelle et Vision d’Avenir
Face à ces avancées concrètes, les partenaires du programme recommandent une mise à l’échelle nationale des innovations et un appui politique accru pour consolider les acquis et favoriser l’émergence d’une agriculture moderne, durable et inclusive. Le gouverneur du Sud-Kivu, Prof. Jean Jacques Purusi, a salué ces efforts, y voyant une traduction fidèle de la vision du Chef de l’Etat pour une transformation agricole profonde, même en période de crise.

LA REDACTION